Lors de ma dernière crise de paludisme, puisque j’étais cloué au lit, j’ai écouté une entrevue sur RFI (chaîne de radio française) très intéressante d’un ancien dirigeant du PNUD qui est l’auteur d’un livre qui s’intitule « La Puissance des Pauvres ». Il a vraiment mis en lumière un concept qui était implicite dans mes pensées mais qui maintenant est finalement explicité. Je vais donc essayer de vous en faire un résumé pour que vous puissiez, vous aussi, vous informer de cette idée que je trouve très intéressante.
Le concept : La pauvreté conviviale
Alors qu’est-ce que la pauvreté? Est-ce vraiment de ne pas avoir 2 dollars par jour? Est-ce vraiment d’être incapable de participer à l’économie de marché? Quand on y pense deux secondes, c’est un paradigme moderne et totalement occidental. C’est une définition qui s’inscrit dans notre réalité de la société de consommation.
Cependant, si on se recentre sur la nature humaine, on se rend compte que l’homme ne se définit pas en pouvoir (e.g. pouvoir d’achat) mais en puissance (possibilité d’action). Selon l’auteur, nous serions très enclins à mélanger pauvreté et misère. La pauvreté ou pauvreté conviviale est le fait de ne pas vivre avec beaucoup de biens mais de vivre dignement. Même si nous n’avons pas énormément de pouvoir, nous avons la puissance d’agir selon notre libre-arbitre. Par exemple, je pourrais être agriculteur au Québec et, sans grande entrées d’argent, j’arrive à me nourrir à me vêtir à m’abriter. La misère est quant à elle ce à quoi la plupart des gens pensent lorsqu’ils expriment leur concept de pauvreté : c’est l’étape ou l’homme perd la dignité de s’épanouir seul en tant qu’être humain. Il perd toute puissance.
Ainsi, nous ne perdons pas notre dignité humaine à ne pas avoir tous les biens matériels dont nous avons envi. Cette dignité humaine se définit par le fait que les aspirations de l’homme et la possibilité de remplir ces besoins réels. Ainsi historiquement, une grande majorité de la population humaine n’était pas à même de participer à une économie de marché, ces derniers vivaient donc dans une pauvreté matérielle mais vivaient dignement. Alors que s’est-il passé pour que ces populations basculent? Est-ce que ça serait le fait d’avoir obligé la structuration économiquement efficace de ces sociétés durant l’époque coloniale?
Et lorsqu’on pousse la réflexion, les riches de notre monde perdent souvent leur puissance au sens de la dignité humaine au profit du pouvoir. Ils ne sont plus à même de décider selon leur libre-arbitre mais leurs actions sont raisonnées en fonction du maintien de leur pouvoir. Certaines personnes de nos sociétés modernes deviennent souvent esclaves du marché. Alors, occidentaux, somme-nous si bien placé pour juger de ce à quoi nous devons aspirer pour vivre dignement?
Malgré que le développement international vise souvent à améliorer cette dignité humaine, j’ai l’impression que le développement international s’avère de temps à autre être le découplage de la plate-forme économique et politique du colonialisme. Le colonialisme était en quelque sorte l’idée de développer les ressources des colonies et contrôler le système politique. Aujourd’hui, nous avons laissé tombé la complexité du système politique aux populations locales mais en gardant dans une grande mesure le contrôle du système économique. Nous voulons que ces pays se développent, c’est vrai, mais nous guidons leur développement, et nous le guidons inexorablement selon nos besoins. C’est du post-colonialisme économique.
Je ne dis pas que le développement est mauvais. Il a amélioré la qualité de vie de millions d’humains. Mais ces sociétés ont, en contrepartie, échangé la puissance pour le pouvoir dans la quête de la dignité humaine. Dans une certaines mesures, et particulièrement en zones urbaines, plusieurs ne cherchent plus à vivre mais à augmenter leur pouvoir d’achat. Il faut donc garder en-tête que c’est la puissance et non le pouvoir qui leur offre cette dignité.
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